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La recherche communautaire : connectée aux besoins des individus

Caren Leblanc
4 mai 2022

« Des objectifs scientifiques combinés aux objectifs d’utilité sociale » (Demange, Henry et Préau, 2012)

La recherche communautaire

Le courant de la recherche communautaire est une approche de recherche basée sur le principe « bottom-up », c’est-à-dire émanant des besoins « terrain » vers les milieux de recherche. Les projets de recherche communautaire doivent porter une visée de transformation sociale et donc agir sur le contexte ayant contribué à l’émergence des problématiques à l’étude. Ainsi, les projets de recherche communautaire visent généralement à donner du poids aux interventions axées sur le renforcement du pouvoir d’agir des personnes, notamment en les impliquant dans la recherche et l’application des connaissances générées (Otis, Bernier et Lévy, 2015). En somme, l’approche de recherche communautaire vise à développer des savoirs issus des besoins des communautés et reposant sur des partenariats équitables entre les acteurs ayant une expérience vécue en lien avec la problématique à l’étude, les milieux professionnels (intervention clinique) et les chercheurs universitaires (Demande, Henry et Préau, 2012).

« La recherche communautaire, c’est une recherche dans laquelle chercheurs et acteurs communautaires collaborent à toutes les étapes du projet de recherche : choix du sujet, méthodologie, recueil et analyse des données, publications, etc. Ils s’inscrivent ensemble dans une démarche scientifique axée sur les besoins des communautés et visant très concrètement la transformation sociale » (Demange, Henry et Préau, 2012)

La recherche communautaire est un incontournable de l’étude sur le VIH, notamment. Les IRSC (Instituts de recherche en santé du Canada) ont créé de nombreux concours de recherche spécifiquement dédiés à la recherche communautaire, faisant en sorte que les questions de recherche à l’étude sont jugées comme prioritaires pour les communautés concernées. Dans le domaine de la dépendance et de l’usage de substances, l’adoption de la recherche communautaire repose sur l’intérêt des chercheurs à adopter cette approche, à l’exception de quelques concours encourageant la collaboration avec les acteurs du milieu. Les acteurs du milieu ne peuvent toutefois que très rarement soumissioner pour obtenir et gérer des fonds de façon autonome, brimant par le fait même le principe d’équité entre les partenaires de la recherche communautaire.

L’Association québécoise des centres d’intervention en dépendance (à l’instar d’autres instances representant les milieux communautaires tels que la COCQ-Sida, Rézo, CATIE, le CAPUD) a développé, en 2021, un poste entièrement dédié à la facilitation des rapports entre les organismes communautaires et les organisations en recherche. Ainsi, ce rôle vise à faire en sorte que les besoins émanant des organismes sur le terrain soient plus facilement entendus, et traduits en projets de recherche concrets. L’AQCID souhaite, par ce poste, que les projets de recherche développés soient porteurs de sens pour les organismes communautaires en axant sur le pouvoir d’agir de ces derniers et la transformation sociale.

L’exemple des Guides de rue et de l’organisme Point de repères

L’initiative des “Guides de rue”, mise sur pied au début des années 2000 par l’organisme Point de repères, situé en basse-ville de Québec, visait initialement à pallier à l’épidémie de VIH chez les personnes utilisatrices de drogues par injection (UDI). L’organisme distribuait déjà du matériel de consommation stérile, mais une partie des personnes UDI semblait ne pas être rejointe par les programmes en place. L’initiative, portée par les pairs (personnes utilisatrices de substances), visait donc à pallier ce manque en allant à la rencontre des personnes UDI pour la remise de matériel de consommation stérile et l’échange de matériel de consommation utilisé. Entre 2005 et 2008, l’organisme, en collaboration avec une équipe de recherche de l’Université Laval, a entrepris un projet de recherche-action participative, «par et pour la communauté des UDI de la ville de Québec» (Fradet, Mercure, Gagnon et Côté, dans Otis, Bernier et Lévy, 2015). La recherche a permis à la fois de developer et d’évaluer un programme d’intervention par les pairs visant à réduire la transmission et l’acquisition du VIH chez les personnes UDI. La recherche a également permis de former des “pairs-pivot”, les “Guides de rue”, ayant pour role d’intervenir et de former d’autres pairs pouvant intervenir à leur tour. Parmi les retombées de l’étude pour la population, les personnes UDI ont identifié avoir perçu cette initiative comme une “seconde chance d’aller à l’école” (Fradet, Mercure, Gagnon et Côté, dans Otis, Bernier et Lévy, 2015). Leurs forces ont été mises en valeur, et ils ont pu prendre un rôle actif dans le projet en étant clairement identifiés comme les experts de la problématique. Pour l’organisme Point de Repères, la recherche a permis de mieux connaître les personnes UDI, et d’identifier celles pouvant prendre une part plus active aux initiatives de l’organisme. Enfin, pour les chercheurs, le projet a permis de générer des connaissances cruciales et d’évaluer une approche d’intervention directement utile pour la communauté. D’autres organismes ont pu s’inspirer à leur tour de ce modèle, suite aux initiatives de transfert des connaissances par la recherche, et le modèle des Guides de rue a pu s’étendre et est toujours actif dans plusieurs régions du Québec!

Références:

Demange, E., Henry, E., Bekelynck, A., & Préau, M. (2012). Petite (s) histoire (s) de la recherche communautaire.

Demange, E., Henry, E., & Préau, M. (2012). De la recherche en collaboration à la recherche communautaire. Un guide méthodologique (From collaborative research to community-based research. A methodological toolkit).

Otis, J., Bernier, M., & Lévy, J. J. (2015). La recherche communautaire VIH/sida: Des savoirs engagés. PUQ.